Les critiques

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Tran-Nhut

L'Aile d'airain

Quatrième volet des aventures du mandarin Tân, "L'Aile d'airain", ouvre des soeurs Tran-Nhut s'inscrit dans un registre où l'humour est souvent présent. Nous sommes au Vietnam durant le XVIIe siècle. Tân quitte la petite province qu' il administre au nord du pays pour rendre visite à sa mère dans le sud. Lorsqu'il arrive dans son village natal, accompagné du fidèle Dinh le lettré, toute la population est dans la rue pour fêter le bon Génie qui la protège. Seul, le contremaître Loc reste alité. Agressé la veille dans la forêt, soi-disant par un fantôme, il va mourir d'étrange façon. Son corps s' enflamme brusquement avant de se consumer. Le conseil des anciens classe l' affaire ce qui ne laisse d'intriguer Tân qui découvre bientôt qu'un lien relie la mort de Loc avec un autre incendie survenu vingt-cinq ans plus tôt et dans lequel périt une famille d'immigrés originaires de Chine. L'intrigue solidement agencée comme dans les précédents volumes, se démultiplie pour notre plus grand plaisir tout en nous faisant découvrir les légendes et la culture du Vietnam. On appréciera ces portraits de femmes aux noms enchanteurs comme Hirondelle ou Rosée Celeste. Celle-ci est une prêtresse taoïste qui soigne les mâles lorsque « leur tige de jade » est impuissante et « ne se redresse qu'avec circonspection ». Ce volume contient ainsi plusieurs discrètes (mais évidentes) allusions au sexe car le mandarin Tân est un chaud de la pince qui trousse volontiers les jeunes femmes. Quant à ces fantômes évoqués dans le récit, ces "con tinh" comme on les appelle en vietnamien, la légende précise qu'il s'agit de jeunes femmes mortes avant le mariage et qui, devenue fantôme, veut connaître le plaisir. Pour cette raison, elle campe dans la forêt et saute sur les hommes qui viennent s'y perdre. Mais je ne connais pas son adresse...  

Tran-Nhut, L'Aile d'airain. éd. Philippe Picquier, 318 pages, 19 euros.  

Claude Mesplède  

 

La Poudre noire de Maître Hou

Si, grâce au romancier hollandais Van Gulik, le juge Ti reste l’enquêteur chinois le plus célèbre de la littérature, le mandarin vietnamien Tân n’a rien à lui envier. Créé en 1999 par les sœurs Tran-Nhut, ce sympathique personnage est un jeune magistrat qui évolue au XVIIe siècle. Malgré des origines modestes, il est devenu mandarin impérial après avoir suivi des études supérieures. Après Le Temple de la Grue écarlate et L’Ombre du prince publiés chez le même éditeur, voici sa troisième aventure, La Poudre de maître Hou au cours de laquelle on le retrouve en compagnie de son ami le lettré Dinh et du pachydermique docteur Porc, autres protagonistes de cette passionnante série historique. Administrateur d’une petite province côtière du Vietnam, Tân doit élucider l’étrange agression dont a été victime l’armateur Phung : le chargement d’une de ses jonques (métaux et épices) a été volé par des pirates. Des individus mystérieux, semble-t-il, car d’après les témoignages des membres rescapés de l’équipage, les voleurs étaient " des cadavres décomposés ". Tân n’a pas encore entamé son enquête qu’il est déjà confronté à un autre mystère : un vieux et riche débauché, le comte Diêm, vient d’être retrouvé assassiné. Non seulement les deux colliers qu’il portait ont disparu, mais chacun s’interroge pour savoir comment le meurtrier a pu opérer pour lui trancher la gorge sur le balcon du premier étage alors que la maison était fermée à clé. Mais décidément, le sort s’acharne contre Tân. Un officier de police l’informe que des pierres tombales ont été dérobés dans un des cimetières de la ville. Pour résoudre ces trois surprenantes énigmes, le tenace mandarin impérial frôlera la mort à plusieurs reprises. Il éprouvera aussi ses premières émotions amoureuses en croisant la séduisante Aconit, une veuve adepte de la philosophie taoïste et la très secrète Madame Libellule, épouse d’un eunuque. Ce roman tire son charme d’une reconstitution historique très réussie et le choix de le situer au XVIIe siècle n’est pas l’effet d’un hasard. Comme l’expliquent les créatrices du personnage : " Cette période constitue la période charnière de la société féodale alors que le pouvoir de l’Empereur commence à se déliter. La confrontation du héros, issu du système mandarinal, à cet état de déliquescence ajoute une pincée de doute et d’incertitude qui fait de lui un être humain ". C’est particulièrement évident dans ce troisième épisode où le mandarin Tân se trouve plongé au cœur de situations cocasses qui ébranlent sérieusement ses certitudes morales car alors que l’époque reste dominée par la théorie confucéenne, le vent de la contestation souffle déjà avec les adeptes de Mo-tseu qui prêchent la justice sociale tandis que les alchimistes usent de leurs poudres magiques. Un roman d’énigme très réussi qui mêle allègrement érudition, humour, légendes et pensées de l’Extrême Orient.

Tran-Nhut, La Poudre noire de Maître Hou, Philippe Picquier. 308 pages, 19 €.

Claude Mesplède

 

L'ombre du prince

Alors qu'une inondation menace la capitale du Vietnam, où le prince Bui règne d'une main de fer, le mandarin Tan vient en ville afin de chercher des ouvrages qui l'aideront à gouverner efficacement la région que lui a confiée l'empereur. Il est accompagné par le docteur Porc, venu à la capitale pour un colloque de médecine et par le lettré Dinh. Le mandarin est anxieux car il va retrouver le prince Bui. Or, le fils de ce dernier fut un condisciple de Tan et ensemble ils réussirent les examens. Mais, le fils du prince mourut quelques temps après la réussite des diplômes et le mandarin Tan a un souvenir confus de la dernière nuit qu'ils passèrent ensemble à chasser. Ses souvenirs qui le hantent reviennent en force quand, dans la forêt, il croise un ermite, un ami commun qui a arrêté ses études et vit en sage. Ce dernier est sous la menace d'une mort horrible car il fait partie d'une famille noble qui a cherché à renverser le prince Bui.

A son arrivée dans la capitale, Tan est interpellé par le prince Bui. Ce dernier a des soucis: un tueur en série menace la tranquillité de la ville et le principal fonctionnaire sur lequel s'appuie Bui, l'eunuque Kien (une connaissance commune qui fit ses études avec le fils du prince et le mandarin) préfère concentrer ses forces sur les menaces d'inondation.

Il faudra toute l'ingéniosité de Tan pour résoudre le mystère du tueur en s'appuyant sur l'état des sciences chinoises de l'époque et notamment sur le réseau étroit des concordances entre le microcosme et le macrocosme. Les informations bien intégrées au récit coulent de source, les descriptions ethnologiques sont menées de main de maître et l'humour est toujours présent de manière discrète le plus souvent (la déconvenue finale de Tan sur la beauté d'une jeune femme!). Parfois cet humour éclate dans des scènes dignes de Buster keaton (notamment un colloque entre tenants des sciences médicales "modernes" et ceux qui préfèrent utiliser les plantes). Autant que pour les enquêtes du juge Ti, on a l'impression en même temps d'entrer dans une atmosphère étrange et exotique, où le dépaysement est total mais où les explications permettent de le rendre vivant et intelligible pour le lecteur européen.

Picquier poche, 383 pages 9 euros, ISBN: 2- 87730-654-2

Laurent Greusard

 

Autre critique

Le mandarin Tân et son ami le lettré Dinh décident d'aller à la Capitale pour y rechercher des livres qui leurs seront utiles dans leur province éloignée. Le docteur Porc les accompagne car il doit participer à un important colloque sur les différentes médecines de l'Empire. Pour Tân, ce sera aussi l'occasion de retrouver les lieux de sa jeunesse, et peut-être certains de ses amis étudiants. A peine arrivés, alors qu'ils logent chez les Prince Bui, père d'un de ses amis mort tragiquement le lendemain de la remise des diplômes, un tueur sanguinaire éventre un rebelle paysan de curieuse façon. Alors que Tân accepte d'enquêter, un autre cadavre est découvert. Confronté à l'arrogance et à la cruauté de la noblesse, un peu perdu dans le milieu déliquescent de la Capitale, Tân devra revenir sur son passé et la mort de son ami pour découvrir la vérité.

Deuxième enquête du mandarin Tân, ce roman est plus sombre, et beaucoup plus critique sur la société Viet du 17° siècle que le premier volume, qui permettait de camper les personnages. Malgré un ambiance lourde et moite, superbement rendue, on y retrouve quand même la vitalité et le sens du burlesque qui nous avaient enchanté dans le premier. La "mise à sac" d'un restaurant chic par un mendiant galeux, et la bagarre digne du marché de Brives la Gaillarde qui conclut le colloque de médecine valent leur pesant d'or. Comme dans le premier ouvrage, le suspense est parfaitement entretenu. Avec deux excellents romans, on peut déjà dire que l'on a ici une superbe série

Jean-Marc Laherrère

 

Le temple de la Grue écarlate

Le jeune Mandarin Tân rejoint sa première affectation dans la Province de Haute Lumière.

Dans cette ville située aux confins du royaume du Vietnam il va affronter des familles qui cherchent à caser leurs filles, un beau Mandarin militaire qui n'entend pas renoncer à son pouvoir devant une autorité civile et des moines bouddhistes maîtres dans les arts nobles du combat. C'est dans ce climat peu serein que un, puis deux puis trois cadavres de jeunes enfants sont retrouvés. Les corps sont lacérés, écrasés, mais identifiables, les victimes vivaient tous au Temple de la Grue écarlate. Ils appartenaient à un groupe de gamins difformes recueillis par les bonzes.

Le jeune fonctionnaire va mener l'enquête aidé par son ami Dinh  et par le docteur Porc. Au cours de sa quête il rencontrera la troublante madame Jade,  tenancière d'auberge encore jeune, la si belle Caprice au langage de charretier et enfin une vérité dérangeante L'intérêt de ce roman c'est l'utilisation très habile qui est faite de la réalité sociale et historique. Les crimes sont liés à leur contexte. Le confucianisme impose le respect de l'ordre établi et fait reposer l'immortalité de la famille sur la descendance mâle. L'intrigue est bien menée et la solution ne déçoit pas. Le miracle de ce roman c'est sa facilité de lecture alors même qu'il nous transporte dans une société qui nous est a priori complètement étrangère. Une façon d'écrire limpide. C'est  rare, c'est appréciable.

Un reproche, (mais est ce un reproche?) je trouve les héros trop modernes. Le Mandarin Tân malgré ses superstitions et sa soumission à l'empereur a le comportement d'un occidental d'aujourd'hui, et c'est encore plus vrai des dames qui l'entourent. Bref, les personnages détonnent un peu dans le décor, mais c'est aussi pour cela qu'on s'y attache.

Jauhel.

 

Autre critique

Nous sommes au 17° siècle, le mandarin Tân, nouvellement issu des concours administratifs de l'empire, débarque dans la Province de Haute Lumière dont il devient le Mandarin civil, première autorité de la région, chargé, entre autres, de rendre justice. Dès son arrivée, il est confronté à une affaire qui déchire les hommes influent de la région : le temple de la grue écarlate et ses bonzes guerriers, que certains veulent rénover et aider, que d'autres veulent détruire. Dans le même temps, on retrouve sur un chemin le corps mutilé d'un garçon de 10 ans, qui faisait partie d'enfants handicapés, logés justement dans le fameux temple, et protégé par les bonzes. L'intérêt des moines est-il seulement humanitaire, où utilise t'ils ces enfants à des fins inavouables ? Et pourquoi tuer de façon aussi horrible ces pauvres gamins ? Quels sont les intérêts, et les vilains secrets qui se cachent derrière les différentes factions de la région ? C'est tout cela que le jeune mandarin, aisé de son ami le lettré Dinh devra élucider, entre deux invitations à des banquets gargantuesque, et tout en évitant soigneusement toutes les jeunes filles à marier qu'on lui met dans les pattes.

Encore une nouvelle série exotico-historique. Et non. Ce n'est pas une de plus, c'est une à part. Et une bonne. D'une  part, l'intrigue est parfaitement menée, et le lecteur se plonge, sans aucune difficulté, dans un monde qui lui est, du moins pour ma part, totalement étranger, donc il referme le bouquin en ayant appris quelque chose. Mais surtout quelle jubilation, quelle pêche, c'est du grand spectacle en cinérama ! Ca vit là-dedans, on bouffe, on rigole, on se castagne, on baise, on hait, on trafique, on complote, avec une vitalité, et un humour extraordinaire. Le lecteur en prend plein les yeux, pleins le nez, plein les oreilles, plein les papilles pour le même prix qu'un pensum casse bonbon de la dernière trouvaille parisienne qui raconte ses petits états d'âmes de pauvre garçon que sa maman n'aime pas ! Alors aucune hésitation, foncez, et faites vous plaisir

Jean-Marc Laherrère

"Sur les rayons des bibliothèques, je vis un monde surgir de l'horizon" (Jack London)

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